Les casernes de Giromagny
La loi de 1913 faisant passer la durée du service militaire à 3 ans, contre 2 ans précédemment (1905), il fut alors nécessaire de construire de nouvelles casernes. C’est ainsi que la municipalité de Giromagny, sous la direction du maire André WARNOD, se porta candidate à l’implantation d’une caserne pour un bataillon de 300 hommes dans notre ville. Espérant des retombées économiques, la municipalité offre le terrain, l’adduction d’eau, l’usage d’un pâturage pour les manoeuvres et une somme de 400 000 francs pour les constructions. Le 6 mai 1913 une convention est passée en ce sens avec le ministère de la guerre. Une surface de 6 hectares (appartenant au maire, à un entrepreneur, Mr. MIGLIERINA, et à 6 autres petits propriétaires est mise à disposition de l’armée. La commune installe l’eau, le gaz, l’électricité, la conduite d’évacuation des eaux usées (vers la rivière !) et déplace même le chemin Saint-Pierre qui desservait les propriétés. Afin de faire face aux dépenses, le conseil municipal du 5 juillet 1913 décide d’un emprunt de 506 200 francs, remboursable en 50 ans ( !) au taux de 4,10% et d’un impôt additionnel pour en assurer le remboursement.
Dix bâtiments de 50 x 12 m sont construits et dès l’achèvement des travaux, le 42ème régiment d’infanterie de Belfort (As de carreau) occupe les lieux, mais il cède la place peu après la déclaration de guerre d’août 1914 à un hôpital militaire destiné aux blessés du front d’Alsace puis aux soldats atteints de la grippe espagnole.
Le 42ème RI reprend ses quartiers en 1919 et à cette occasion la mairie offre un quart de vin à chaque soldat. La réduction des effectifs militaires à l’issue du conflit de 14-18 amène le gouvernement à songer à abandonner le site, mais il se ravise et en 1921 y installe le 53ème bataillon de mitrailleurs indochinois. Loin de leurs pays d’origine, les hommes ont du mal à s’adapter au climat qui leur paraît bien rude ; toutefois les militaires indochinois participent à la vie de la cité, en particulier lors de la fête du Têt, le nouvel an chinois, au cours de laquelle ils promènent des lanternes en papier et un immense dragon qui libère des « crottes » en chocolat sous les acclamations de la foule. Entre 1924 et 1926 l’unité envoie une grande partie de ses effectifs au Maroc pour la guerre du Rif ; ceux qui restent partent peu après pour un cantonnement dans le sud de la France.
Le 3 mai 1929, les casernes retrouvent vie avec l’arrivée du 2ème bataillon du 35ème régiment d’infanterie de Belfort (As de trèfle). Le maire Emile LARDIER et le conseil municipal au grand complet reçoivent les militaires sous les applaudissements de la population de Giromagny. Il y a de quoi car les militaires participent largement à la vie économique et sociale de la commune. Leur musique réputée est alors de toutes les fêtes patriotiques et anime aussi de nombreuses réjouissances.
La 2ème guerre mondiale apporte un brusque coup d’arrêt à cette vie insouciante. La quasi-totalité du bataillon parti au combat le 25 août 1939 est faite prisonnière le 11 juin 1940 dans les Ardennes à Marchault. Après le départ du 35ème RI, les casernes sont occupées par de nombreuses troupes de passage : d’abord le 372ème RI de réserve de Toulouse puis le 3èmebataillon de réserve des chasseurs Pyrénéens.
En 1941 les uniformes changent de style avec l’arrivée du régiment « Grossdeutschland » puis celle en 1942 d’un régiment Wurtembergeois composé de jeunes recrues. En 1943 les casernes sont transformées en camp d’internement qui vit passer notamment des prisonniers Anglais évacués des camps de Silésie.
A la libération, ce sont les soldats libérateurs de Giromagny, la 1ère division Française libre et surtout les commandos d’Afrique qui y séjournent. Avec l’arrivée du bataillon « Désiré » et du groupe des commandos « Provence », ils forment alors le 3ème groupement des bataillons de choc. Engagé à Cernay lors de l’offensive de libération de Colmar en janvier 1945, le groupement subit de très lourdes pertes. Le 2 avril le groupement reçoit le drapeau du 301ème régiment d’infanterie et le 10 avril les hommes quittent les casernes pour faire mouvement vers l’Allemagne. Après leur départ, les locaux servent de site d’accueil pour des enfants déshérités de la région parisienne puis d’hébergement pour les ouvriers des usines PEUGEOT.
En 1949, la municipalité de Giromagny rachète le site au ministère de la défense pour la somme de 6 500 000 F., en effectuant un emprunt de 4 800 000 F. C’est alors une autre vie, moins agitée, qui commence pour ces locaux qui ont vu passer plus d’une dizaine de régiments en moins de 40 ans !